Le 25 novembre a lieu la journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes. L’année 2019 a été marquée en France par une plus grande médiatisation de ces violences et notamment des féminicides. Les associations s’en félicitent, mais attendent davantage d’actions des pouvoirs publics.
Depuis 1999, les Nations unies ont institué le 25 novembre une journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Vingt ans plus tard, cette journée a pris une autre dimension. Au cours des douze derniers mois, les violences faites aux femmes, et plus particulièrement les féminicides, ont été au cœur de l’actualité. Unes de presse, enquêtes, manifestations : l’année 2019 marque-t-elle véritablement un tournant ?
“Aujourd’hui, celui qui n’a pas entendu parler des violences conjugales,
il habite dans une grotte au fin fond du Larzac”, constate Sandrine
Bouchait, la présidente de l’Union
nationale des familles de féminicide (UNFF). “Il y a une très
grande sensibilisation vis-à-vis de ces violences qui est due notamment aux
chiffres repris par tous les médias”, ajoute-t-elle. Depuis janvier, un
macabre décompte est ainsi relayé dans la presse et sur les réseaux sociaux.
Quasi quotidiennement, le collectif “féminicides
par compagnons ou par ex” recense le nombre de femmes
tuées au sein des couples ou ex-couples. Il dénombre aujourd’hui 137 cas de
féminicides en 2019.
“On ne tue pas par amour”
Pour les associations qui luttent au quotidien contre ces violences, cette
médiatisation s’est accrue de manière sensible au cours des mois écoulés.
“En 2015, nous avions sorti une campagne sur le féminicide qui avait été
très mal accueillie. Les médias qui aujourd’hui soutiennent notre parole nous
avaient à l’époque beaucoup critiqués en disant qu’ils ne comprenaient pas ce
particularisme et ce côté victimaire”, décrit Alix Chazeau Guibert,
porte-parole de Osez le
féminisme. “Aujourd’hui, il y a au contraire un énorme
changement de vocabulaire et une véritable appropriation du sujet par les
médias”.
Pour preuve, quand un homme tue sa compagne, le terme employé dans les journaux
est désormais celui de féminicide et non plus de crime passionnel. “Mais
c’est encore dur dans les mentalités. Je sors d’un procès de trois jours aux
assises pour un féminicide et l’avocat de la défense a quand même utilisé dans
sa plaidoirie le terme de crime passionnel. Il ne devrait plus l’employer déjà
parce qu’il est sorti du code pénal et parce qu’il sait très bien qu’on ne tue
pas par amour”, insiste Sandrine Bouchait. Les médias montrent ainsi un
intérêt croissant pour ces meurtres et violences. En l’espace de cinq ans, soit
depuis la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les
hommes, les citations dans les médias liées aux violences faites aux femmes ont
augmenté de plus de 190 %, selon l’institut Presse’edd.
La libération de la parole
La presse bouge, poussée notamment par le procès de Jacqueline Sauvage (suivi
d’un téléfilm à succès avec Muriel Robin), puis par le mouvement #MeToo.
“Cela a permis de parler plus facilement des violences sexuelles. Avant
cela était vu comme un fléau, mais pas de façon politique. #MeToo a permis de
faire entendre un discours très important sur ces violences qui sont
massivement commises par des hommes sur des femmes. Il y a une vraie prise de
conscience”, estime Alix Chazeau Guibert de Osez le féminisme.
Pour Sandrine Bouchait, dont la sœur Guylaine a été brûlée vive en 2017 par son
compagnon, cela est également le fruit d’une prise de parole, notamment de la
part des familles. “Quand ma sœur est décédée, on ne parlait que d’un cas,
celui d’Alexia Daval (NDLR : son mari Jonathann Daval est
poursuivi pour meurtre sur conjoint)”, décrit-elle. “C’est très
triste ce qui lui est arrivé, mais cela ne l’est pas plus ou pas moins que ce
qui est arrivé à ma sœur, à 137 femmes en 2017, à 121 en 2018 et à 137 à ce
jour en 2019. Je pense que les familles en ont eu aussi assez que ces crimes
soient cachés”.
Cette médiatisation a entraîné la mise en place d’un Grenelle des violences conjugales. Le gouvernement doit
annoncer lundi 25 novembre ses conclusions et les mesures qui en sont issues.
Cette réaction politique est bien perçue par les associations, mais elles
attendent beaucoup plus de la part des pouvoirs publics. “Si on veut faire
quelque chose de bien, il faudrait qu’à l’issue de ce Grenelle sorte une loi
cadre qui mette en place un plan d’action national de lutte efficace contre les
violences faites aux femmes”, explique Alix Chazeau Guibert. “Il faut
une loi qui prenne vraiment le problème à bras le corps : de la
prévention, à la protection, en passant par les condamnations judiciaires
jusqu’à la formation massive des personnes qui sont en lien avec les femmes
victimes de violence”, précise-t-elle.
Une vision partagée par Sandrine Bouchait qui veut également mettre la priorité sur la formation “du personnel policier et hospitalier” qui est “en première ligne face aux femmes victimes de violences”. La présidente de l’UNFF espère aussi que l’accent va être mis en priorité sur l’éducation : “Si on veut une société moins violente, cela passe par nos enfants. Il faut arrêter de dire aux petits garçons qu’ils sont forts et qu’ils n’ont pas le droit de pleurer et à nos petites filles qu’elles sont des princesses fragiles qu’il faut protéger”. Pour la présidente de l’Union des familles de féminicide, le combat ne fait que commencer : “Le gouvernement ne peut plus ignorer les violences faites aux femmes”.
Source: France 24
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