« Personne ne sort », ce mot d’ordre d’Arnold Djoud est en passe de ne pas être respecté. Au contraire, ils sont tous en train de sortir. De Shan’l à Manitou en passant par Emeraude et Yan Koko, les artistes gabonais sont nombreux à choisir le pays du coupé décalé pour faire valoir leur talent.
Alors que certains le font à l’occasion d’évènements artistiques et communicationnels précis, d’autres semblent vouloir prendre une carte de séjour longue durée, pour mieux suivre leurs carrières. C’est notamment le cas pour les divas de la musique gabonaise, Shan’l et Créol.
À côté de ces deux catégories, il y a celle des artistes qui rêvent de partir pour faire valoir leurs talents, mais qui faute de moyens assistent impuissants à une mort lente de leurs talents. Sans avoir l’occasion de ne rien y faire, là aussi faute de possibilité. Une fuite des cerveaux qui pourrait faire perdre confiance à leurs collègues restés sur place et faire perdre au pays de la Ntcham et du Jazé, sa prestigieuse place de carrefour des arts. Qu’est ce qui est à l’origine de cette situation ?
D’abord, la situation créée par l’apparition de la pandémie de la covid-19. Les activités culturelles et artistiques ont été les premières à subir les affres des politiques liées à la riposte contre cette pandémie. Étant essentiellement basées sur le rassemblement des masses, les activités des artistes ont été frappées en plein bas ventre, par l’exigence du respect des gestes barrières et des grands rassemblements susceptibles de faire propager le virus. C’est donc la majorité des États dans le monde qui ont décidé de suspendre en premier lieu les activités qui nécessitent des rassemblements. Avec des dommages incalculables sur la vie et les carrières des artistes et sur un certain nombre d’autres activités comme les activités de restauration, les activités de la nuit, les bars et boites de nuit.
Mais alors que certains pays ont émis des solutions palliatives avec une alternance entre confinements et déconfinements, alors que des artistes dans certains pays ont connu des soutiens divers et multiformes, la situation est vécue différemment par les artistes gabonais. Ceci en comparaison avec leurs confrères de l’Afrique de l’Ouest et de la Cote d’Ivoire en particulier. Une situation gabonaise qui est aggravée par une gestion encore très archaïque des artistes, de leurs carrières et de leurs œuvres. Il s’agit notamment de l’absence des droits d’auteurs et d’une politique de soutien de ceux-ci en cette période de covid19, mais surtout et aussi d’une très faible digitalisation de leurs œuvres, susceptibles de produire des revenus. Leurs principaux revenus étant essentiellement issus des prestations en live lors des concerts, des mariages, des campagnes promotionnelles de produits, des contrats ponctuels avec des entreprises etc. Ces revenus sont en conflit avec la stricte observation du principe de précaution des autorités gabonaises dans la riposte contre la covid19, qui les oblige à observer un respect scrupuleux des gestes barrières.
Dans ce contexte gabonais confiné, l’extérieur reste pour le moment le seul moyen de pouvoir un tant soit peu vivre de ses œuvres artistiques. Ils ont donc préféré une Cote d’Ivoire, qui est plus prompte à organiser des activités artistiques et culturelle grandeur nature, dans ce contexte de covid19, compte tenu d’une expérience propre à elle de la gestion de la pandémie de covid19.
En dehors de ces raisons ponctuelles qui attirent une bonne fourchette des artistes gabonais, il y a aussi des faits constants et connus. La Cote d’Ivoire est une des plus grandes places de la musique et des autres arts sur le continent africain. C’est le pays du Zouglou, du coupé décalé, du Bobaraba. C’est le pays de Yodé et Siro, de Dj Arafat, de Josey, de Kerozen, de Magic System, de Gohou Michel…c’est un grand pays en ce qui concerne l’art.
D’une part, ces sorties de nos talents peuvent être vues comme une conquête par les artistes gabonais des marchés musicaux étrangers et de leurs opportunité de croissance personnelle et artistique. Mais au fond elles sont le vaccin qui protège d’un environnement artistique étouffé par les bavettes de la riposte contre la covid19.
La rédaction
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