Maixent Georges NTOUTOUME NDONG journaliste au quotidien L’Union. Auteur du livre “Alerte sur le journalisme au Gabon” a accordé à nortre Rédaction un entretien exclusif. Dans le cadre de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse, il répond à quelques questions sur son livre et sur le fonctionnement de la presse au Gabon.
1- L’année dernière lors de la journée internationale de la liberté de la presse, vous avez publié un livre titré “Alerte sur le journalisme au Gabon”. Que reprochez-vous au journalisme dans votre pays ?
Le journalisme est un métier noble dont aucune société ne peut se passer et ce malgré la grande influence des réseaux sociaux. En tant que métier noble, il est inadmissible qu’au Gabon du 21e siècle, le journaliste soit relégué au dernier rang de la société. En effet, dans mon pays, la majorité de la corporation, notamment la presse privée, perçoit un salaire dérisoire qui ne permet pas de mener le niveau de vie que la pratique de ce métier permet de mener sous d’autres cieux. Les journalistes fonctionnaires touchent à peine voire moins de 500 milles francs CFA par mois. Les plus nombreux, les journalistes de la presse privée, peuvent percevoir moins de 100 milles francs. Certains ne perçoivent rien du tout. Les organes de presse privés n’ont pas les finances nécessaires pour s’assurer un bon fonctionnement. Cette précarité a donné de la force au phénomène de “gombo”, l’enveloppe d’argent donnée aux journalistes à la fin d’une couverture médiatique. Évidemment, cette enveloppe a une influence sur le rendu que fera le journaliste sur l’événement couvert. Pour réduire cette influence, il faut que les nouvelles autorités du pays s’assurent que chaque organe de presse est capable de garantir des salaires répondant au noble rang de ce métier d’élite. Cela pourrait en même temps permettre que les gens ne deviennent pas journalistes juste parce qu’ils auraient échoué ailleurs.
2- Votre livre a été très mal accueilli au sein de votre corporation et les influences que vous évoquez persistent. À un moment ne pensez-vous pas que votre combat peut être vain?
(Sourire). Pas un instant et d’ailleurs, les recommandations émises sur le journalisme durant le Dialogue national inclusif corroborent avec mes écrits. Attention, je ne parle pas d’un journalisme avec zéro influence. Ce métier subit l’assaut d’une multitude d’influences dont le pouvoir de l’argent est la plus importante. J’estime que si plusieurs pays ont réussi à réduire drastiquement ces influences, c’est que le Gabon le peut aussi. Tous les journalistes du Gabon peuvent percevoir un traitement salarial raisonnable répondant à la noblesse du métier si l’État se rassure que n’importe qui n’ouvre pas un organe de presse qui va s’essouffler au bout de deux ans d’activité. Certains organes de presse, comme RTN, Gabonews et bien d’autres, participent à la précarisation des journalistes. Un journaliste ne doit pas percevoir un salaire de base de moins de 500 milles francs par mois si l’on veut réduire les influences gravitant autour de la profession.
3- Dans votre ouvrage vous faites des recommandations sur le fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication.
En effet, ces dernières années la HAC a beaucoup brillé par les sanctions infligées aux journalistes et à certains organes de presse parce que ces derniers avaient juste osé critiquer le système au pouvoir. Or, il est aussi important que le régulateur veille sur les programmes télévisés, la musique et bien d’autres productions. Sur Canal+, il y a des programmes qui font la promotion de l’homosexualité. A Libreville, il y a des artistes qui font la promotion du gangstérisme (bangando). Tout cela se fait sous les yeux de la HAC qui semble plus préoccupée à sanctionner les journalistes critiques. Ce comportement du régulateur peut se justifier du fait que la plupart des membres de la HAC sont nommés par les hautes autorités. Alors chacun voulant sans doute préserver son poste ces derniers surveillent ceux qui critiquent leurs bienfaiteurs. Dans mon livre, je propose que tous les membres de la HAC soient élus par la corporation des communicateurs si l’on projette vraiment d’ avoir une HAC régulant correctement la communication dans notre pays.
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