Lors d’une interview accordée à Radio France Internationale (RFI), Cédric Achille Mbeng Mezui, économiste gabonais et expert en marché financier africain, propose des pistes pour le développement économique du continent. Auteur d’un essai : « Financer l’Afrique : densifier les systèmes financiers locaux » paru en 2017, Cédric Achille Mbeng Mezui esquisse les meilleurs pistes pour mobiliser efficacement les finances internes des pays africains qui tardent à décoller. L’expert en marché financier dans son ouvrage plaide pour une évolution du mandat des banques centrales africaines estimant qu’elles doivent lutter contre l’inflation afin de participer au financement du développement dans le continent. Il propose aux banques africaines de revenir à leur rôle initial, celui qu’elles ont tenu pendant près de 300 ans. Pour ce dernier, les banques centrales ont pris une part active dans le financement du développement, tout en veillant à la stabilité financière des États. « Si on prend les chiffres les plus récents sur le financement des infrastructures en 2016 (62,5 milliards de dollars au total), 42 % de ce montant vient des gouvernements africains, 16 % de l’Asie (essentiellement de la Chine) et 15 % des banques multilatérales (10 % des Européens et environ 9 % de la coordination arabe). Le secteur privé n’est pas assez présent avec seulement 2,6 milliards. Cependant, les 42 % de contribution des pays africains sur les besoins des infrastructures viennent du fait de l’essor de leur marché domestique sur les dernières années. En 2000, le total de bonds souverains émis sur le continent était de 28 milliards de dollars et en 2017, de 245 milliards de dollars. Cela montre, par conséquent, que le continent a vu son épargne se développer considérablement. Lorsqu’on regarde le gap sur la question des infrastructures, les dernières estimations de la BAD montrent qu’il y a un besoin annuel entre 130 et 170 milliards de dollars. Je vous ai dit qu’il y a 62,5 milliards qui ont été dépensés déjà en 2016 dont le gap est entre 100 et 60 milliards », explique ce dernier. Il est revenu sur deux questions fondamentales, celles concernant les flux qui quittent le continent africain et l’économie informelle. A cela, l’expert propose de créer des cadres règlementaires qui permettent de donner la confiance et de garder les ressources sur le continent : « Si on regarde les flux financiers qui quittent le continent, chaque année, on est entre 60 et 100 milliards. C’est donc à peu près le gap qui manque pour les infrastructures. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’économie informelle représente une très grande partie. Il faut donc arriver à formaliser nos économies pour capter le maximum d’épargne de nos pays et faire aussi en sorte que les contrats sur les industries extractives soient clairs, transparents, pour que nous arrêtions un peu cette hémorragie de financements. » Pour finir, il propose aux pays africains de travailler sur le risque idiosyncratique. Ces derniers doivent résoudre ces questions de cadre règlementaire des perceptions de risques. « Si vous êtes dans des pays où chaque fois qu’il y a une élection, une année avant tout s’arrête et une après tout s’arrête, vous avez finalement en cinq ans, trois ans où vous pouvez travailler. Si, chaque fois qu’on a un nouveau gouvernement, on change toutes les politiques et tous les accords des anciens gouvernements, cela met un cadre instable. En effet, lorsqu’on parle de projets d’infrastructures, on est, pour l’instant, sur quinze ans, trente ans. On a donc besoin d’avoir une certaine stabilité. Cela ne signifie pas que le cadre ne va jamais bouger mais cela montre que, lorsqu’il y a un changement qui doit arriver sur la question du cadre règlementaire, cela se fait en consultation avec l’écosystème qui est en place. Les pays qui veulent mobiliser les capitaux, internes ou externes, doivent faire la preuve de la crédibilité, de la signature de l’Etat et de la stabilité de leurs politiques », avant d’ajouter que la diversification de l’économie des pays africains passe par le libre-échange continental, aussi en fonction des différentes économies trouver des synergies et faire en sorte que le financement se fasse en fonction des moyens de chacun : « D’après un livre écrit par un auteur français, 90 % de la tomate concentrée consommée en Afrique de l’Ouest, vient de Chine et 70 % consommée en Afrique, vient également de Chine. Qu’est-ce que cela coûte de faire de la tomate concentrée ? Ce genre de transformations, nous devons arriver à le faire ». Il conclue en disant que la première étape de ce processus est toujours de regarder la balance de paiement des pays et les produits importés. « La première étape c’est toujours de regarder la balance de paiement des pays et les produits que nous importons pour lesquels nous dépensons des devises, alors que nous pouvons le faire sur place et mettre ces devises pour des projets plus importants, en termes de besoin de capital. Partant de là, on peut mieux coordonner ces échanges entre pays et faire en sorte, par exemple, dans les deux zones qui partagent la même monnaie, de mieux optimiser la gestion des réserves de change ». Marielle ILAMBOUANDZI ]]>
Le financement du développement en Afrique : les solutions de Cédric Achille Mbeng Mezui
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