Annoncée à coups de fanfares en janvier 2017 avec des arrestations en cascade, l’opération judiciaire déclenchée par Ali Bongo est de moins en moins crédible. Ce serpent à la fâcheuse tendance de mordre les indésirables mis sur le banc de touche par le gouvernement gabonais et de laisser gambader certains intouchables malgré les malversations financières qui gravitent autour de leurs personnes. Au Cameroun voisin, l’opération épervier n’épargne personne, même pas les proches collaborateurs de Paul Biya.
Le Mamba noir est un redoutable prédateur, qui attaque sa proie et qui généralement en vient à bout compte tenu de son venin très puissant. Son équivalent juridique est quant à lui plus à l’aise en milieu urbain et il a choisi le marigot politico-financier de Libreville comme terrain de chasse bien que ses morsures semblent aujourd’hui très sélectives.
« Quand l’opération mamba a été lancée nous y avons vu un espoir avec toutes ces arrestations. Puis après on a remarqué que les victimes avaient généralement des antécédents avec un tiers. Ce qui donne l’impression d’un règlement de compte. C’est le cas d’Etienne Dieudonné Ngoubou, de Mohamed Ait Ben Ali, de Landry Patrick Oyaya, de son collègue Grégoire Bayima, il y’a aussi Juste Valère Okologo et Alain Ditona Moussavou, j’en oublie surement quelques uns. Quoi qu’il en soi, le Mamba n’est plus crédible» a affirmé Ghis Mbini, membre de la société civile joint au téléphone.
La corruption sévit sous l’œil impuissant du Mamba
Le Gabon est dangereusement étranglé par la corruption, qui freine inévitablement la construction d’édifices publics et la mise en place des politiques publiques en faveur du bien-être des citoyens. En dépit de structures comme la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) et l’Agence nationale d’investigations financières (ANIF) chargées de traquer les corrupteurs et les corrompus, de lutter contre les délits financiers, aucune réelle évolution, la corruption demeure.
D’après le dernier rapport de l’ONG Transparency International publié en 2019, le Gabon a, une nouvelle fois, dégringolé dans le classement mondial de l’Indice de perception de la corruption (IPC). Le pays se classe désormais au 124e rang mondial sur 180 pays répertoriés avec un médiocre score de 31/100 contre 32/100 en 2017.
Mamba, instrument de règlement de compte
En dépits des quelques arrestations ici et là, pour bon nombre de Gabonais, ce n’est pas assez, au regard de l’ampleur des soupçons de détournements des fonds publics, dont la pratique, disent-ils remonte à plusieurs décennies. L’impunité a toujours été de mise malgré la mauvaise gestion de la chose publique. Le Mamba faisait rêver plus d’un avant qu’on ne s’aperçoive, qu’ il s’agit là ni plus ni moins, que d’un service minimum orchestré pour faire croire à une bonne gouvernance ou pour punir les canards boiteux qui exaspèrent une caste de personnes jouissant d’un certain pouvoir discrétionnaire.
Le Mamba ne mord certainement pas les intouchables, on n’en veut pour preuve l’ancien Directeur de cabinet de la Présidence, Maixent Accrombessi qui n’est inquiété de rien. Malgré toutes les accusations qui pèsent sur ce dernier du coté de l’hexagone, il n’a jamais fait l’objet d’un quelconque soupçon qui lui aurait valu une mise en examen en territoire vert-jaune et bleu ou coule le lait et le miel. Après l’affaire Marck et les millions d’euros de rétrocommissions, c’est autour du “Forum Libération” d’être sous le coup d’une enquête autour de l’ancien directeur de cabinet de la présidence de la République. On pourra dire que son seul et premier mandat aura été rythmé par les scandales financiers.
Le mamba, comme un goût de désespoir
La lutte contre les détournements des deniers publics n’aboutira pas aux résultats escomptés avec des mesures aux allures expéditives au regard de la célérité des procédures judiciaires. Elle doit passer par une gestion transparente de la chose publique. Et l’exemple doit venir d’en haut, notamment avec la déclaration publique du patrimoine des responsables administratifs, aussi bien au moment de leur prise de fonctions que lors de la cessation de celles-ci. Cela permettra une évaluation efficace des biens des gouvernants, avec des sanctions en cas d’infraction. Et cela doit relever du ressort de la seule justice, et non d’une décision gouvernementale qui pourrait prendre les couleurs d’une manipulation de la justice.
La police, la gendarmerie et l’armée n’ayant pas l’expertise d’un parquet financier, les méthodes utilisées jusque-là ne sont pas pour faciliter la manifestation de la vérité. Du coup, les enquêtes en cours exhalent un parfum de règlement de comptes.
Mengue
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