Resté silencieux depuis quelques mois, le président de l’UPNR et promoteur du projet de la réconciliation nationale au Gabon, a repris la parole, avec le franc parler qu’on reconnait pour livrer sa part de vérité sur l’actualité de son pays. Ce grand incompris a accepté avec hésitation d’accorder cet entretien à notre rédaction. Rencontre avec un homme politique qui a toujours tort d’avoir eu raison très tôt. La Côte-d’Ivoire vient de donner une leçon de tolérance et de réconciliation au monde avec la libération de 800 prisonniers politiques. Que vous inspire cet acte ? On peut dire que la Côte-d’Ivoire est bénie de Dieu. Ce pays vient de donner une leçon au monde et à l’Afrique. Ça a toujours été ainsi depuis Houphouët Bouagny, la Côte-d’Ivoire a toujours fait figure de modèle dans la tolérance, la lutte pour la paix et dans ses options de développement. J’ai eu un pincement au cœur quand j’ai écouté parler madame Gbagbo à sa sortie de prison. Elle a appelé au pardon et à la réconciliation après toutes les attitudes vexantes et humiliantes qu’elle a subies. C’est admirable. J’ai également en mémoire l’exemple de l’Afrique du Sud que j’ai des raisons de connaitre. C’est à moi que le ^président Bongo a fait l’honneur d’aller inviter Nelson Mandela au Gabon après sa sortie de prison. Lorsque ce grand homme est sorti de prison, tout le monde disait qu’il va y avoir une espèce de vengeance des noirs contre les blancs. Mandela a pris tout le monde à contre pieds et a appelé à la réconciliation nationale. Ce fut une réussite, il n’y a pas eu de vengeance ni de règlement de compte. C’est une leçon donnée au monde. Paul Kagamé aujourd’hui à la tête du Rwanda a affirmé dans de nombreuses tribunes que si les choses marchent actuellement dans son pays, ce n’est pas parce qu’il est le président de ce pays, mais c’est parce que les Rwandais de toute condition ont décidé de se pardonner et opté pour une réconciliation nationale. Ils ont décidé de mettre derrière eux le génocide. Au Kenya il y a eu également une grave crise politique qui a trouvé son épilogue à travers la réconciliation nationale. La Côte-d’Ivoire a organisé un forum de réconciliation nationale et j’ai entendu de mes oreilles le Président Gbagbo demander pardon au peuple ivoirien. Le Président Bédié également. Ils ont accepté leurs erreurs à cette époque là au nom de l’intérêt supérieur de la nation. La réconciliation nationale que j’ai lancée l’appel le 30 décembre 2017, s’inscrit dans le cadre du même processus qui consiste à dire : « mettons derrière nous nos malentendus, nos vexations et toutes les injures ». La Côte-d’Ivoire a libéré tous les prisonniers politiques, la Guinée-Equatoriale aussi. La réconciliation dont je parle c’est d’abord reconnaitre que nous nous sommes faits du tord et qu’il y a eu des morts que certains veulent aujourd’hui instrumentaliser. Mais ce ne sont pas leurs morts, ce sont nos morts de la république. La réconciliation nationale commence par reconnaitre qu’il y a eu ces morts. La deuxième étape consiste à libérer les prisonniers politiques. Je ne vois pas d’inconvénients à ce que ceux qui sont privés aujourd’hui de liberté soient libérés pour venir bâtir le pays avec nous. Le troisième pas vise l’adoption d’une loi d’amnistie qui permet à tous les Gabonais de l’étranger qui ont peur de rentrer au pays de revenir au Gabon. Le quatrième pas consiste à l’organisation d’une journée de pardon. Il faudrait que les Gabonais se pardonnent. J’ai été aux affaires pendant longtemps, je jouis d’un certain statut, j’ai dû faire beaucoup d’erreurs, je dois demander pardon au peuple gabonais pour ces erreurs. Je dois m’excuser pour ne pas avoir été aussi compétent que je devrais l’être dans l’exercice de mes fonctions. Ce qui est valable pour moi, l’est aussi pour tous les Gabonais qui étaient aux affaires. Aujourd’hui, vous avez beaucoup de cadres qui ne travaillent pas. Il y en a d’autres qui travaillent par népotisme. Ils doivent demander pardon à ceux qui n’ont rien à faire, et c’est parce que nous avons mal géré le pays que nous sommes arrivés là. Le processus de réconciliation nationale devrait faire en sorte qu’autour du Chef de l’Etat, les Gabonais se retrouvent pour faire la paix. La politique est une action pour un idéal à travers les réalités. La première réalité est de reconnaitre qu’Ali Bongo est Président. On le veut il est Président, on ne le veut pas, il est toujours Président. C’est au tour de lui qu’il faut bâtir une action pour la réconciliation nationale. Il y a un programme pour tout cela que je ne veux pas vous dévoiler ici, et qui devrait être soumis le moment opportun à Ali Bongo Ondimba pour qu’il puisse l’apprécier et le censurer. C’est un nouveau contrat social qui devrait permettre au Gabon, d’un pied ferme, d’entamer sa marche vers des lendemains meilleurs. Donc mon sentiment, mon vœux le plus cher c’est que le Chef de l’Etat endosse sa veste du patron de l’exécutif en disant : « Vous êtes tous des Gabonais, vous êtes tous mes administrés. Je suis le Président de tous les Gabonais et j’appelle tous les compatriotes à se pardonner. » Nous rentrerons alors dans un consensus de réconciliation nationale. A partir de ce moment là, tout ce que le Président de la République proposera ira dans le cœur des Gabonais. On aurait voulu que les deux dialogues aboutissent à cette réconciliation, mais on ne va pas vivre de regrets. Je rentre de l’intérieur du pays où j’ai écouté de nombreux Gabonais. Beaucoup doutent de la capacité du Chef de l’Etat à se mettre en hauteur pour lancer cet appel. Vous travaillez sur le projet de la réconciliation nationale depuis bientôt un an. Où en êtes-vous concrètement ? Nous en sommes comme dans les projets qui portent, aux hésitations des uns, aux doutes des autres, à l’activisme de beaucoup. Je continue à l’intérieur du pays où je suis allé récemment semer la graine de la réconciliation. J’ai réuni en mars dernier une centaine d’hommes d’églises pour dire : « débattons de la réconciliation nationale. » Tous ont accepté l’idée puisqu’elle cadre avec le message de l’Evangile qui vise à réconcilier l’Homme et Dieu. Ils ont accepté de m’accompagner dans ce projet. La semaine dernière, des jeunes ont fait une marche dans la commune d’Akanda pour appeler à la réconciliation nationale. Au 2ème arrondissement de Libreville des jeunes se sont réunis au même moment pour la même cause. Pareil à Oyem. La réconciliation nationale c’est une action pour un idéal à travers les réalités. La réalité du Gabon c’est qu’il y a une opposition, la réalité du Gabon c’est qu’il y a un pouvoir. Et au moment où nous parlons d’élections, il faut bien qu’on discute de réconciliation nationale. Comment aller aux élections si on ne se parle pas ? On a l’impression que vous n’êtes pas compris. Si Jésus a été mis à la croix, ce n’est pas parce qu’il ne disait pas de vérité. C’est parce qu’il n’a pas été compris. Je ne me prends pas pour Jésus, je dis seulement que mon message est tellement fort, tellement vrai, tellement noble qu’il ne peut pas être entendu de la même manière, au même moment, à la minute par tout le monde. Il est interprété par diverses manières, c’est cela la force d’un message. Il est parfois écouté, parfois rejeté. La réconciliation nationale ne se décrète pas. C’est une action continue. Depuis le 30 décembre que nous avons avec beaucoup de compatriotes lancé cette idée. Elle fait son chemin. D’autres me demandent si je suis entendu par le Président de la République. Je réponds : « le Président de la République n’est aux ordres de personne. » Il réagira en son temps avec ses mots à lui. Mais on ne peut pas passer à côté. Je n’ai pas lieu de me plaindre, l’idée fait son chemin et gagner certains milieux. Il y a certains qui sont contre la réconciliation nationale parce qu’elle pourrait les empêcher d’accéder au pouvoir. D’autres s’y opposent parce qu’elle les empêcherait d’occuper les postes qu’ils ont. L’homme qui se propose de porter ce propos n’est ni de l’opposition ni du pouvoir. D’où sa liberté d’action. Dire aux gabonais discutons ensemble, pardonnons-nous, ce n’est faire injure à personne. A partir du moment où je n’insulte personne, alors je parle sans crainte. L’actualité reste dominée ces dernières semaines par les mesures d’austérité prises par le gouvernement, afin de résister à la crise financière. Ces mesures ont provoqué une levée de boucler de la société civile. Avez-vous un commentaire à propos ? Depuis que ces mesures ont été rendues publiques, j’ai observé une certaine retenue. Je suis convaincu qu’il faut prendre des mesures, mais ce n’est pas forcement celles qui ont été annoncées prises par le gouvernement. Elles ont été prises maladroitement. Je crois qu’il fallait associer tout le monde dans la prise de décisions, pour éviter des contestations qu’on pourrait économiser. Aujourd’hui, faute de consensus, l’exécutif doit gérer son cahier de charges avec le FMI et les revendications de son peuple. C’est une situation embarrassante qu’on aurait ou éviter. Le chef de l’Etat devrait convoquer et il n’st pas tard, une commission nationale composée des experts locaux, des politiques des économistes et des leaders de la société civiles rompus à la tâche pour réfléchir et proposer un rapport avec des pistes de solutions au président de la république. Ce travail peut se faire en une semaine et sans perdiems. Il reviendra alors au patron de l’exécutif de valider les propositions les plus pertinentes. A partir du moment où il y a un consensus au départ, personne n’aura bonne grâce à les critiquer quoi que ce soit à la fin, surtout pas ceux qui refuseront de faire partie de la réflexion. Lors que le chef de l’Etat invite les Gabonais à la réflexion, il y a généralement très peu de contestation. Ensemble, nous sommes capables de relever le défi. Je ne crois que la réduction des salaires soit la mesure la plus appropriée dans cette situation. Nous devons encore réfléchir. Vous dites que la réduction des salaires n’est pas la panacée à la crise financière qui secoue le pays. Avez-vous d’autres pistes de solutions Je crois qu’il faut commencer par supprimer les agences qui font double emploi avec le gouvernement. Il faut réduire le nombre des membres du gouvernement tel que annoncé par le chef de l’Etat. Le président Léon Mba avait gouverné le Gabon avec 9 ministres. Je crois en effet qu’un gouvernement de 15 ministres est acceptable dans un contexte de crise économique. Il faut l’amélioration de la gouvernance économique et la création d’une cour de discipline budgétaire, pour discipliner les ordonnateurs de crédits. Assis ensemble avec beaucoup d’autres compatriotes, nous pouvons trouver des solutions plus efficaces pour sortir le pays de cette impasse. Propos recueillis par Pierre Eric ]]>
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