Un Sud-Africain a admis lundi avoir tué une albinos de 13 ans dans l’espoir d’assurer le succès de son entreprise commerciale. Le corps démembré et sans tête de la jeune fille avait été retrouvé en février 2018 dans la province du Mpumalanga. Elle avait été enlevée la nuit, chez elle, par 3 hommes, qui ont aussi emporté et tué un bébé en le jetant par la fenêtre de leur voiture.
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Lundi, l’un des meurtriers, un enseignant, a expliqué qu’il avait consulté un sangoma (guérisseur traditionnel) à Pretoria, dans l’espoir d’assurer le succès de son entreprise de location de tentes. Le guérisseur lui a alors demandé d’apporter le corps d’un albinos.
600 attaques en dix ans
“Le mythe dit que nous portons chance, explique Nommassent Mazibuko, directrice de la société de l’albinisme en Afrique du Sud. Les parties de notre corps sont utilisées par des hommes d’affaires et des politiciens, sous forme de potions ou d’os. Cela aurait commencé en Tanzanie, où les pécheurs pensent qu’en attachant un morceau de doigt d’un albinos à leur hameçon, ils attraperont plus de poissons.” L’an dernier, au moins 3 albinos ont été tués en Afrique du Sud.
Selon les Nations Unies, plus de 600 personnes souffrant d’albinisme – une maladie congénitale qui affecte 20.000 personnes dans le monde – ont été attaquées depuis dix ans dans 28 pays en Afrique. Le nombre d’albinos dans la population y est bien plus élevé qu’ailleurs (1 pour 1500 habitants en Tanzanie, par exemple, contre 1 pour 20.000 en Europe). Les agressions sont les plus meurtrières en Tanzanie (plus de 80 morts depuis 2000), Malawi (22 meurtres en 5 ans), Mozambique et République démocratique du Congo.
Certaines victimes – souvent des enfants – survivent après avoir été amputées d’une main ou d’un pied. Selon les Nations unies, un bras pouvait atteindre le prix de 2000 dollars en 2016 et un corps entier, 75.000 dollars. Dans certains pays, les tombes des albinos doivent être bétonnées pour protéger les corps.
Un plan régional de lutte contre les meurtres d’albinos
Les attaques sont en augmentation, affirme Amnesty International, qui a demandé, début août, aux pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) d’adopter un plan régional de lutte contre les meurtres d’albinos. La conférence régionale des évêques catholiques a appelé, de son côté, au lancement de programmes de sensibilisation. Les personnes vivant avec l’albinisme se font elles-mêmes de plus en plus entendre, comme la Nigériane Ikponwosa Ero, experte pour les Nations unies depuis 2015, ou la modèle et militante sud-africaine, Thando Hopa, la première à figurer sur une couverture de “Vogue” en avril. D’autres s’affichent dans les médias sociaux sous l’hashtag “AlbinismIsJustAColor”, crée par un étudiant kenyan.
Le meurtrier d’un albinos a été condamné à la peine de mort
Les pays d’Afrique australe commencent à réagir. La Tanzanie a ainsi interdit les guérisseurs traditionnels en 2015 et placé les enfants à risque dans des centres protégés : en avril dernier, 65 guérisseurs, accusés d’avoir tué au moins 10 enfants, ont été arrêtés. La situation commencerait à s’améliorer dans le pays, selon Reuters. L’an dernier, le Kenya a adopté un budget pour lutter contre les discriminations dont souffrent les albinos. Et au Malawi, le meurtrier d’un albinos a été condamné à la peine de mort en mai dernier, une première dans un pays où l’impunité était de mise.
L’Afrique du Sud s’apprête aussi à adopter une loi condamnant toute attaque verbale contre les albinos. Mais, comme le déplore Ikponwosa Ero, “alors qu’il y a beaucoup de lois pour lutter contre le trafic d’organes, très peu d’attention a été donnée aux victimes de pratiques de sorcellerie, en particulier les personnes vivant avec l’albinisme“.
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