Je vous écris aujourd’hui avec le cœur lourd, dans l’espoir infime, peut-être vain que cette lettre atteigne vos yeux et, qui sait, touche votre cœur.Il y a quatorze ans, en 2010, mon existence a basculé sous les balles de l’unité spéciale de la Gendarmerie Nationale. Je ne suis pas un criminel, je ne suis pas un insurgé. Je n’étais qu’un jeune étudiant, un citoyen, au mauvais endroit, au mauvais moment. Ce jour-là, mes droits, ma dignité, ma vie même, ont été piétinés. Et depuis, ce n’est pas seulement mon corps qui porte les marques de cette violence.
Ce sont mes jours, mes nuits, mon âme tout entière.On m’avait promis justice, on m’avait promis que l’État réparerait cette erreur. Mais tout cela n’a été que des mots. Des promesses creuses qui se sont évanouies comme de la poussière dans le vent, tandis que moi, je suis resté avec mes blessures, mes douleurs, et une vie brisée.Monsieur le Président, vous qui incarnez l’État et ses devoirs, comment pouvez-vous détourner les yeux de ceux que votre armée a laissés à terre ? Comment l’État, qui se prétend garant de la justice, peut-il m’abandonner ainsi ?Je vous écris cette lettre ouverte pour vous rappeler des faits et de l’engagement pris par l’État à mon égard. En 2010, lors du Conseil des Ministres du 14 octobre, j’ai bénéficié du statut de « Pupille de la Nation » en raison d’un grave accident malheureux que j’ai subis au sein de l’Université Omar Bongo lors d’une intervention à balles réelles des éléments de l’unité spéciale de la Gendarmerie Nationale venus pour rétablir l’ordre public troublé par les étudiants grévistes.
À la suite de ce statut accordé par les autorités sortantes, j’avais été reçu avec ma mère par le Ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, aujourd’hui Présidente du Conseil Économique Social et Environnemental. Lors de cet entretien, il avait été convenu que l’État prendrait en charge mes besoins médicaux et scolaires jusqu’à ce que je finisse mes études et qu’il me trouve un emploi stable afin que je puisse par la suite me prendre en charge au terme des conditions de ce statut.Malheureusement, malgré cette reconnaissance officielle, les engagements pris n’ont pas été respectés. Après avoir subi plusieurs opérations à Rabat et poursuivi mes études à l’Université de Rabat, ma prise en charge a été brutalement interrompue alors que mon état de santé nécessitait et nécessite encore des opérations de chirurgie et mon cursus scolaire n’était pas encore achevé. Cela m’a conduit dans des difficultés considérables, me laissant sans ressources pour subvenir à mes besoins et poursuivre mes études en terre étrangère ou l’état m’avait envoyé.Monsieur le Président, après plusieurs plaintes de non respect de mes engagements financier de loyer, non paiement de frais médicaux, je suis rentré au Gabon avec l’espoir que, sur place, ma situation serait régularisée.
Mais, malheureusement, c’est là que mon calvaire a véritablement commencé. Respectant mon engagement de ne pas trainé l’Etat Gabon devant la juste, j’ai gardé espoir que les autorités de l’époque pouvaient régler ma situation sans delais. Depuis mon retour au pays, je n’ai cessé d’interpeller en frappant aux portes des administrations et des personnalités concernées par ma prise en charge de « Pupille de la Nation », tous m’assurant que mon dossier serait pris en main. Pourtant, les années ont passé, et rien n’a changé. Je suis resté sans réponse concrète, sans prise en charge, sans soutien.Ma santé, qui devait être une priorité, continue de se dégrader faute de suivi médical approprié. Mes études, qui étaient la promesse d’un avenir meilleur, ont été brutalement interrompues. Et aujourd’hui, je suis là, face à vous, sans emploi, sans revenu, avec une vie en suspens, figée dans l’injustice.Je ne comprends pas, Monsieur le Président, comment une nation peut oublier ses engagements envers l’un de ses citoyens. Comment l’État, qui avait juré de prendre soin de moi, peut-il me laisser sombrer ainsi dans l’oubli ?Ce statut de « Pupille de la Nation » que le Gabon m’a accordé, qu’est-il devenu ? Une simple étiquette sans substance ? Une promesse sans lendemain ?Je ne cherche ni faveur ni privilège, seulement ce qui m’a été promis : l’accès à des soins de santé, la possibilité de terminer mes études, et la chance de travailler pour gagner ma vie dignement.
Je ne demande qu’une chose : la justice.Monsieur le Président, je vous implore de prendre cette lettre à cœur, car elle représente non seulement ma voix, mais celle de tous ceux qui, comme moi, ont été laissés pour compte. Je ne vous demande pas la charité, mais le respect de la parole donnée par les gouvernements sortant au nom de la continuité de l’Etat.Aujourd’hui, avec le changement de pouvoir, j’ose espérer que vous, Monsieur le Président, honorerez le titre de « Pupille de la Nation » qui m’a été attribué et que vous veillerez à ce que les engagements pris par les précédentes autorités soient enfin respectés. Comme vous l’avez affirmé dans l’un de vos discours : « Je suis venu pour rendre au peuple gabonais sa dignité sur tous les plans. » Ces paroles renforcent mon espoir que ma situation sera enfin rectifiée.Monsieur le Président, il est aujourd’hui plus que jamais temps d’agir. Vous qui incarnez le changement, grace a vous notre pays amorce une nouvelle page de son histoire et j’ose espérer que ce tournant politique apportera non seulement de nouvelles perspectives, mais surtout un retour aux engagements pris par l’État. Depuis plus de quatorze ans, j’attends qu’on me rende ma dignité, qu’on tienne les promesses faites lors de ce Conseil des Ministres de 2010.Vous incarnez aujourd’hui l’espoir d’un renouveau pour notre pays. Je veux croire que sous votre présidence, le Gabon se tournera vers ses citoyens, en particulier ceux qui, comme moi, ont été laissés de côté trop longtemps.Je souhaite que, sous votre mandat, la parole donnée soit respectée, que la justice soit enfin rendue, et que l’État prenne ses responsabilités envers moi et tant d’autres.
Je rêve du jour où je pourrai enfin me dire que le Gabon, mon pays, n’a pas abandonné l’un des siens.Il est temps, Monsieur le Président, que mon dossier soit traité avec la même attention et l’urgence que celle qui m’avait été promise. Il est temps que je puisse, enfin, bénéficier de ce qui m’a été promis : des soins médicaux, une éducation complète, et un avenir où je peux me tenir debout, dignement, en tant que citoyen de ce pays.Je vous adresse donc cette lettre avec un espoir renouvelé, celui que vous saurez écouter ma voix et agir pour rétablir ce qui m’a été injustement enlevé.Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président De la République, Chef de l’Etat, l’expression de ma haute considération.
HERARD CEDRIC BITEGHE
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