Avec la libre circulation des personnes en zone Cémac, le manque de main d’oeuvre dans les marchés et pour les services domestiques, des centaines d’enfants achetés en Afrique de l’Ouest, arrivent au Gabon et sont toujours autant victimes de trafics. Focus. Le pays peine à lutter contre les réseaux de trafiquants qui se font de plus en plus experts en la matière. A 15 ans, Adama, une jeune Togolaise, a été exploitée comme domestique au Nigeria, avant d’être amenée au Gabon chez une femme qui l’envoyait vendre des aliments dans la rue sans la payer. Sénami, 13 ans, a, elle, été achetée au Bénin. «Mon père ne voulait pas, mais c’est mon oncle qui a été ensorcelé et a convaincu mon père de me vendre» à un trafiquant, accuse-t-elle. Avec un mélange de rage contenue et de tristesse, elle se souvient de son expérience comme esclave de maison et vendeuse de cacahuètes pour une «méchante» Béninoise de Libreville. Nounous, vendeurs de rue, gardiens de nuit, aides d’aveugles, voire esclaves sexuelles: les histoires de jeunes filles et garçons victimes de trafic au Gabon et forcés à travailler sans salaire sont courantes. Ces enfants arrivent avec d’autres migrants clandestins, le plus souvent sur une embarcation de fortune depuis les rivages d’Afrique de l’Ouest. Le Gabon tente tant bien que mal à éradiquer ce phénomène. Comme près de 120 enfants, Adama et Sénami vivent aujourd’hui dans un centre de transit financé par les autorités gabonaises avec l’appui de l’Unicef. Elles devraient être bientôt renvoyées dans leurs pays respectifs où elles iront dans un autre centre avant de retrouver leur famille. Pourtant Germaine, une vendeuse de sandwichs à Petit-paris, déclare : “ici, nous ne voyons aucun résultat satisfaisant, il y a toujours autant d’enfants dans le marché comme dix ans auparavant” [caption id="attachment_10122" align="alignnone" width="300"] Le Gabon et le Bénin ont signé, le 9 novembre 2018, à Libreville, un Accord de coopération visant la lutte contre la traite transfrontalière des enfants.[/caption] Business lucratif Il s’agit de «criminalité transnationale organisée», c’est «tout un réseau qui part de l’Afrique de l’Ouest» et il arrive même que des enfants soient à nouveau victimes de trafic après avoir été réunis avec leurs proches, explique Mélanie Mbadinga Matsanga, membre du Comité national de suivi de la lutte contre la traite des enfants au Gabon. Une petite «nounou» au Gabon rapporterait entre 100 000 FCFA et 150 000 FCFA par mois au trafiquant d’après les témoignages recueillis par l’Unicef, indique son représentant au Gabon, Michel Ikamba. Le réseau comprend généralement le passeur dans le pays de transit (principalement le Nigeria), le passeur du pays d’accueil, l’hébergeur qui paye les passeurs, et la personne qui place l’enfant dans les foyers au Gabon, détaille M. Ikamba. Lorsqu’un trafiquant est inquiété par la justice, «on constate des tentatives de corruption sur les juges», à qui les trafiquants proposent de l’argent pour libérer leur »ami», explique sous couvert d’anonymat un magistrat qui dit avoir vécu cette situation. «Réseau tentaculaire» C’est le cas du mariage d’enfants. Achetée 500 000 FCFA en 2012 à un «réseau tentaculaire» par un Malien résident au Gabon, Niakate Tene, 12 ans, venue du Mali, devait être forcée de l’épouser. Retrouvée par la police enchaînée et en pleurs chez son «mari», la jeune fille a été libérée. L’homme n’a fait qu’un mois de prison avant d’être remis en liberté provisoire, regrette le magistrat. Au Gabon, contrairement aux autres submentionnés ci-dessus, ce phénomène a diminué depuis le début des années 2005, grâce à une loi de 2004 criminalisant la traite des enfants, selon l’Unicef qui n’a cependant aucun chiffre précis. Le trafic d’enfants a aussi pris des formes plus cachées avec les employés à domicile, selon le magistrat. «Je connais beaucoup de gens qui ont des enfants chez eux. Ils savent que c’est illégal, mais un enfant coûte moins cher», témoigne un Camerounais de Libreville. Combattre la traite des enfants en ce temps de septennat de la jeunesse, devrait être une priorité absolue pour les autorités gabonaises. Le Gabon doit prendre encore plus de mesures judiciaires et humanitaires pour traiter ce phénomène que l’on constate dans nos marchés et quartiers quotidiennement. Zeus O.]]>
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