Après la diffusion d’une enquête de la BBC sur l’attribution de contrats pétroliers et gaziers, le chef de l’Etat a dénoncé une tentative de « déstabilisation ».
Le président sénégalais, Macky Sall, a dénoncé une tentative de « déstabilisation », mercredi 5 juin, trois jours après des accusations de corruption portées contre l’un de ses frères dans un reportage de la BBC consacré au secteur gazier et pétrolier du pays. « Nous savons que là où il y a du pétrole, certains vont tenter de déstabiliser le pays […] Le gouvernement va poursuivre cette affaire », a déclaré Macky Sall après la prière de l’Aïd al-Fitr marquant la fin du ramadan, alors que l’exploitation d’importantes réserves au large du Sénégal devrait commencer d’ici à 2021-2022.
« Je tiens à ce que la vérité soit rétablie », a-t-il dit, sans citer le nom de son frère en raison du « caractère privé » de cette mise en cause. Réclamant des preuves, il a promis : « S’il faut sanctionner, nous allons sanctionner. » « Toutefois, nous n’accepterons pas de fausses accusations », a averti le chef de l’Etat, élu en 2012 et réélu en février, assurant que « jamais un pays n’a pris autant de dispositions pour éviter les écueils par rapport aux ressources qui vont être exploitées dans les prochaines années ».
En juin 2012, peu après son élection, Macky Sall avait confirmé la décision de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, d’attribuer l’exploitation de deux champs pétroliers et gaziers au large du Sénégal à la société Petro-Tim, de l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis, novice dans le secteur, associée à la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen). Dimanche, la BBC a affirmé que Petro-Tim avait secrètement versé, deux ans plus tard, une prime de 250 000 dollars (environ 222 000 euros) à Agritrans, une société contrôlée par Aliou Sall, frère cadet de Macky Sall. Aliou Sall a qualifié mardi de « totalement fausses » ces informations et promis de poursuivre la BBC en diffamation.
Un reportage « manifestement tendancieux »
Le député Ousmane Sonko, candidat malheureux à la dernière présidentielle, s’est dit « sidéré » par les explications de Macky Sall. « Je l’accuse d’être le seul responsable de cette corruption qui en cache des dizaines d’autres. Il est le responsable de faits caractéristiques de haute trahison », a lancé sur Facebook le virulent député, dont le credo mêle patriotisme économique et dénonciation de la mauvaise gouvernance : « A chaque fois, la stratégie a consisté à tenter d’allumer un contre-feu en se cachant lâchement derrière l’argument d’une prétendue “manipulation d’opposants” ou d’une “tentative de déstabilisation de notre pays par des forces obscures”. »
La BBC affirme également que les participations du groupe de Frank Timis ont été rachetées par le géant pétrolier BP en 2017 pour 250 millions de dollars, assorti de redevances de quelque 10 milliards de dollars sur quarante ans, privant la population d’importants revenus alors que le Sénégal figure parmi les 25 pays les plus pauvres au monde. BP a assuré avoir effectué toutes les vérifications nécessaires en matière d’éthique avant de signer ce contrat. Le gouvernement sénégalais a dénoncé un « reportage manifestement tendancieux » et « ponctué de graves et fausses allégations sur la gouvernance des ressources pétrolières du Sénégal ».
« La BBC avance, sans aucun fondement, le chiffre surréaliste de 10 milliards de dollars que l’Etat sénégalais aurait perdus dans une transaction entre deux compagnies privées […] Ce chiffre est purement imaginaire. Il ne correspond à aucune réalité économique et financière du projet, encore moins à une quelconque perte de revenus futurs pour l’Etat du Sénégal », estime un « memorandum » du gouvernement lu devant la presse par sa porte-parole, Ndèye Tické Ndiaye Diop. Ce texte, qui met en avant les mesures prises par Macky Sall pour garantir la transparence et la préservation des intérêts du Sénégal dans le secteur des hydrocarbures, n’évoque pas les accusations de corruption visant le frère du président.
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