L’OMS va réunir son comité d’urgence pour décider s’il faut déclarer ce nouvel épisode épidémique comme « une urgence sanitaire mondiale ». Le 15 juillet 2019 à Goma, dans l’est de la RDC, la prévention contre le virus Ebola a été renforcée après l’apparition d’un nouveau cas. PAMELA TULIZO / AFP
Le scénario tant redouté et anticipé est arrivé : la confirmation d’un premier cas de fièvre hémorragique Ebola à Goma, la grande ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), « change potentiellement toute la donne », a mis en garde, lundi 15 juillet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Nous ne pouvons pas être trop prudents », a insisté à Genève Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, qui a précisé qu’il allait à nouveau réunir son comité d’urgence pour décider si l’épidémie constituait une « urgence sanitaire mondiale ».
En juin, l’OMS avait jugé que l’épidémie en cours constituait une urgence sanitaire seulement pour la RDC et la région. Mais l’irruption d’Ebola à Goma, une ville d’un million d’habitants qui est un véritable carrefour dans la région des Grands-Lacs représente un « avertissement », selon le responsable des situations d’urgence de l’OMS, Mike Ryan.
L’inquiétude est palpable à Goma, ville partagée entre ses villas avec vues magnifiques sur le lac Kivu, siège des Nations unies et des ONG, et ses quartiers densément peuplés avec une activité commerciale importante.
Appels au calme
« Goma est très peuplée, je crains que la propagation ne soit rapide. Que les autorités fassent tout pour retrouver toutes ces personnes », s’inquiète Jean-Pierre, un moto-taxi de 30 ans.
La ville se trouve en effet à la frontière du Rwanda, avec un port d’où les bateaux partent pour Bukavu et le Sud-Kivu, et un aéroport avec des vols civils ou onusiens à destination de Kinshasa, Entebbe (Ouganda) et Addis-Abeba (Ethiopie). Le Rwanda a d’ailleurs demandé lundi à ses ressortissants d’éviter tout voyage dans l’est de la RDC.
Les autorités congolaises multiplient les mesures de prévention et les appels au calme. Les équipes chargées de répondre à l’épidémie ont identifié 60 contacts du pasteur évangélique qui est tombé malade à Goma et ils ont vacciné la moitié d’entre eux, selon l’OMS. L’autre moitié devrait être vaccinée dans les prochaines vingt-quatre heures, a souligné Mike Ryan.
Le pasteur a été évacué lundi matin vers Butembo, d’où il était arrivé la veille au chef-lieu de la province du Nord-Kivu, qui compte environ un million d’habitants. Explication : le centre de traitement de Butembo, épicentre de l’épidémie, est mieux préparé que celui de Goma qui n’a encore traité aucun cas jusqu’à présent, a expliqué le gouverneur, Carly Nzanzu Kasivita : « Le cas a été non seulement détecté précocement, mais aussi isolé immédiatement, évitant toute contamination additionnelle. » Malheureusement, le patient est décédé mardi, durant son transfert, a annoncé une source officielle citée par l’AFP.
Le gouverneur tout comme le ministère de la santé appellent les habitants de Goma à garder leur « calme » face à l’épidémie qui frappe à leur porte. Cette épidémie, qui a fait 1 665 morts en RDC, était jusqu’à présent cantonnée dans le nord de la province, dans les zones de Beni-Butembo, depuis qu’elle a été officiellement déclarée le 1er août 2018 près de Beni.
Mais l’itinéraire du patient a de quoi nourrir les inquiétudes qui accompagnent chaque maladie contagieuse et mortelle. Originaire du Sud-Kivu, le pasteur était arrivé début juillet à Butembo, où il a présenté les premiers symptômes dès le 9 juillet.
« Durant son séjour à Butembo, le pasteur a prêché dans sept églises », où il touchait de ses mains régulièrement les fidèles, « y compris les malades », a précisé le ministère de la santé. Le pasteur, membre d’une église évangélique dite du « réveil », a ensuite pris vendredi la route pour Goma à bord d’un bus avec 18 autres passagers et le chauffeur.
« Le bus est passé par trois points de contrôle sanitaire. Lors des contrôles, il ne semblait pas présenter des signes de la maladie. Par ailleurs, à chaque point de contrôle, il a écrit des noms et prénoms différents sur les listes de voyageurs indiquant probablement sa volonté de cacher son identité et son état de santé », rapporte le ministère de la santé.
Insécurité
« Ce cas confirmé d’Ebola à Goma montre que la situation demeure inquiétante et que l’épidémie n’est toujours pas sous contrôle », a commenté Médecins sans frontière (MSF) qui a cessé ses interventions dans la région de Beni-Butembo en raison de l’insécurité.
L’insécurité a d’ailleurs encore frappé à Beni, où deux notables locaux, engagés dans des actions de prévention, ont été assassinés dans la nuit de samedi à dimanche. L’intervention des responsables communautaires est destinée à lever les résistances des populations contre la vaccination, l’hospitalisation et des modes d’inhumation qui évitent les contacts avec les fluides contagieux des défunts.
« Selon plusieurs sources, les assaillants seraient des personnes du même quartier que les deux victimes, qui enviaient leurs voisins, car ils avaient trouvé un emploi dans la riposte contre Ebola », a indiqué le ministère de la santé.
Un épidémiologiste de l’OMS avait été tué le 20 avril à Butembo, où deux centres de traitement d’Ebola avaient été attaqués fin février-début mars.
Cet épisode épidémique Ebola est le deuxième plus important de l’histoire après celui qui a tué près de 11 000 personnes en Afrique de l’Ouest (Guinée, Liberia, Sierra Leone) en 2013-2014.
Source Le Monde Afrique et FGM
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