Cette pharmacienne et candidate du parti Ennahda a déjoué tous les pronostics qui donnaient les clés de la ville au parti Nidaa Tounes. Un vote historique au sein du monde arabe. Les soixante membres du conseil municipal de Tunis, élus le 6 mai dernier, se sont réunis à 9 heures pour choisir celui ou celle qui deviendra maire de la capitale. Vote qui s’est déroulé dans une atmosphère fébrile et cordiale. Après deux tours de scrutin, Souad Abderrahim a pu laisser quelques larmes couler, vite essuyées, sur son visage. Haut blanc et pantalon noir, elle a été élue par 26 voix contre 22 à son adversaire Kamel Idir (Nidaa Tounes). Un vote historique : c’est la première fois qu’une femme occupera le bureau de maire de Tunis (hormis la période beylicale). Et, ironie de l’Histoire, c’est le parti islamiste Ennahda qui a présenté Souad Abderrahim pour ce poste si convoité. Un résultat n’est jamais acquis, adage que Nidaa Tounes va pouvoir amèrement méditer. Dès le premier tour, cette quinqua a viré en tête. En jean et cheveux nus : Souad Abderrahim Elle fut députée de l’Assemblée constituante de 2011 à 2014, élue Ennahda de la circonscription de Tunis 2. Son parcours personnel et professionnel brouille les repères. Ne portant ni le voile ni aucun signe religieux, mariée et avec deux enfants, Souad Abderrahim a fait une campagne municipale très pragmatique, évoquant les thématiques locales (infrastructures, transports…). Campagne qui lui a permis d’arriver en tête au soir du scrutin. Sur soixante conseillers, le parti présidé par Rached Ghannouchi en compte vingt et un. Elle a alors été attaquée par un baron de Nidaa Tounes qui expliquait qu’une « femme ne pouvait pas diriger la ville de Tunis ». D’autres ont avancé l’argument qu’elle n’est pas tunisoise… Des remarques rétrogrades qui ont sans doute joué en sa faveur. Désormais, elle devra donc gouverner en trouvant des majorités de circonstances, par dossier. Réagissant à son élection, elle a indiqué que « tous les blocs seraient représentés » et qu’il s’agirait « d’un travail d’équipe ». « C’est une très grande responsabilité » Émue, chaleureusement applaudie par ses militant(e)s, Souad Abderrahim a fait la bise à ses adversaires avant de revêtir pour la première fois l’écharpe de maire. Pour cette pharmacienne, il s’agit d’une consécration. Elle va devenir le symbole d’une femme élue, dirigeante d’une capitale du Maghreb et plus largement du monde arabe. C’est également une victoire pour son parti. Ennahda poursuit ainsi son entreprise de normalisation en propulsant une femme au sommet du pouvoir local. Ce qu’aucun autre parti n’a souhaité faire. À Tunis, elle était la seule femme tête de liste. Nidaa Tounes avait opté pour une figure de l’ancien régime, Kamel Idir. Un ex-président du Club africain, un ancien membre du comité central du RCD (le parti unique du dictateur Ben Ali). Ironie facétieuse, l’homme est également docteur en pharmacie… Une victoire pour les femmes ? Elle va devenir la coqueluche des médias internationaux, diviser l’opinion tunisienne. On rappellera ses propos, tenus en 2011, sur les mères célibataires à qui elles reniaient d’obtenir un cadre légal, estimant que « la famille ne peut se former en dehors des liens du mariage ». Elle s’était excusée. Elle est également en faveur de l’égalité homme-femme, jugeant que le Code du statut personnel institué par le président Bourguiba est « une fierté » pour la femme tunisienne. Elle va devenir un poids lourd au sein du parti Ennahda. De quoi bousculer un peu plus les idées reçues au sein d’une Tunisie plus complexe qu’on le croit. Ce matin, Tunis s’est choisi un visage féminin pour la diriger. Une conquête de plus pour Souad Abderrahim. RAMA et le Point Afrique]]>
Tunisie : Souad Abderrahim, première femme élue maire de Tunis
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